Bulletin n°2 – 2025 (Avril-Juin)
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SOMMAIRE
Alexandre Bertaud
Un fragment de moule d’enseigne médiéval trouvé à Figeac
Étienne Lallau
Du palais de Via à la prison départementale : une longue histoire carcérale
Jean-Pierre Girault
Aménagements médiévaux à Roquepen Saint-Denis-Lès-Martel (Lot)
Nelly Blaya
Histoire d’une, deux et trois photographies
Gilles Lades
Poètes du Quercy contemporains. Max Pons
Patrice Foissac
Compte rendu de la sortie de printemps

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E X T R A I T S
UN FRAGMENT DE MOULE D’ENSEIGNE MÉDIÉVAL TROUVÉ À FIGEAC
Alexandre Bertaud
Au cours d’un diagnostic archéologique mené par la Cellule départementale d’archéologie du Lot à Figeac, un fragment de moule d’enseigne médiéval a été mis au jour. Il s’agit ici d’une occasion de présenter ce type de vestige dans un contexte spécifique associé à l’abbaye Saint-Sauveur de Figeac.
Le contexte
La cellule départementale archéologique du Lot (CDAL) a réalisé un diagnostic archéologique dans l’emprise du jardin de la maison sise au 9 rue du Chapitre à Figeac. Cette maison est dans l’emprise de l’enclos de l’abbaye Saint-Sauveur de Figeac (Delperie, 1971 et Foucaud et Calmon, 1995). Elle semble correspondre à l’emplacement de l’hôpital du Moustier (Lartigaut, 1981 et Napoleone, 1993), un hôpital lié à l’abbaye. Le diagnostic très contraint et limité n’a permis que d’observer les niveaux de remblais de la fin du Moyen Âge et de l’Époque moderne ainsi que les apports de terre de jardin plus récents.
Dans le remblai le plus profond atteint au cours du diagnostic, un fragment de moule a été mis au jour.


Le moule
Il s’agit d’un fragment de moule bivalve en pierre verte. La pierre est de forme rectangulaire dont la partie inférieure est brisée. Les trois autres côtés sont taillés et polis. L’angle supérieur droit est biseauté. Sous ce biseau se trouve une perforation qui se prolonge depuis la face vers le côté droit, probablement pour maintenir un lien permettant de tenir les deux valves ensemble. Sur la partie gauche se trouvent deux petits trous permettant le maintien des deux valves du moule dans leur position. Une perforation conique dans la partie supérieure, le cône de coulée, permet d’introduire le métal liquide dans le moule bivalve.

La face est creusée sur 0,5 mm avec une large partie centrale en forme de blason. Dans le blason, de légères incisions ont été pratiquées avec un soin très différent du reste du moule, probablement une action postérieure à la fabrication initiale du moule. Ce motif est constitué d’un damier oblique de 8 x 8 cases avec une croix surimposée ainsi qu’un carré central.
DU PALAIS DE VIA À LA PRISON DÉPARTEMENTALE :
UNE LONGUE HISTOIRE CARCÉRALE
Première partie : des origines à la Révolution
Étienne Lallau
La fermeture définitive de la prison départementale du Lot, rue du Châteaudu-Roi à Cahors, en juillet 2012, marque l’épisode final d’une longue histoire carcérale au sein de ce vaste îlot urbain cadurcien. Si le site est remarquable par les imposants vestiges du complexe palatial du XIVe siècle de Pierre de Via, la dimension carcérale du site, qui s’inscrit depuis la Révolution dans des problématiques et des réflexions mouvantes à une échelle nationale, n’en est pas moins digne d’intérêt.
En effet, si quelques travaux ont traité du palais médiéval, à l’instar des études de Maurice Scellès et Gilles Séraphin, force est de constater que l’évolution de l’espace carcéral à l’époque contemporaine n’a en revanche soulevé que peu d’intérêt. Pour autant, il s’agit là d’un exemple éloquent de la lente gestation d’une prison départementale, répondant à des problématiques certes locales, notamment financières, mais qui s’inscrit également dans un phénomène plus global.

(Dessin d’Anatole de Rouméjoux, AD de la Dordogne)
En 2024, dans le cadre d’un projet de réhabilitation multipôles du complexe carcéral, la Cellule départementale d’archéologie du Lot a mené un premier diagnostic archéologique sur ce site.
Bien que limitée et très contrainte, cette opération a été l’occasion de faire le point sur l’état des connaissances de cet îlot, en analysant le bâti subsistant et en le confrontant avec les sources textuelles et iconographiques dont le recollement a été entrepris. Ce travail a été renforcé par la mise au jour de vestiges participant des divers états d’utilisation du site. Outre les vestiges médiévaux dont il ne sera pas question ici, il met en lumière des éléments nouveaux sur l’évolution de l’espace carcéral et les problématiques qui se sont présentées aux institutions en charge tout au long de l’existence de la prison. Ces éléments permettent aujourd’hui de dresser une synthèse des multiples projets et des enjeux corollaires qui ont débouché sur l’établissement aujourd’hui désaffecté.
Localisation et aspect général actuel

Photographie C. Soula, Inventaire général du patrimoine culturel, Région Midi-Pyrénées,
L’ancienne prison départementale est située en plein secteur sauvegardé de Cahors, dans le tiers oriental du méandre. Elle occupe une assiette rocheuse surplombant le Lot à 136 m Ngf en moyenne, soit plus de 20 mètres au-dessus de la rivière. Son emprise est circonscrite au nord par la rue Devia, en forte déclivité d’ouest en est, et à l’ouest par la rue du Château-du-Roi. À l’est, sa limite se situe en rupture de pente, matérialisée par un très haut mur qui marque le paysage urbain depuis la rivière. Son emprise totale couvre une superficie de 2583 m2 . À l’heure actuelle, l’ancien complexe carcéral comprend plusieurs bâtiments et divers espaces extérieurs. L’unique entrée s’effectue par la rue du Château-du-Roi, Dans l’axe de la rue Feydel, via un passage s’ouvrant au centre du grand bâtiment sur rue construit au XIXe siècle. Ce passage donne sur un couloir à ciel ouvert qualifié d’ »avenue » dans les sources du XIXe siècle, et débouchant sur une petite cour où anciennement se trouvait la guillotine.
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AMÉNAGEMENTS MÉDIÉVAUX À ROQUEPEN SAINT-DENIS-LÈS-MARTEL (LOT)
Jean-Pierre Girault
Les Roques, Roquepen (ou Roquepin / Rocopin / Roquepinte ou Rocopen).
Ce terme désignerait une grotte aménagée, dont les peintures seraient à l’origine du nom.
Il s’agit d’un lieu situé sur un chemin en grande partie confondu avec la limite des paroisses de Saint-Denis et de Loupchat. Ce chemin descend dans la vallée de la Tourmente, passe à côté de la Verrie, ancien emplacement de l’église Sainte-Radegonde, et traverse le ruisseau de Valat à Pontou. Cet itinéraire a été bouleversé par l’implantation en 1862 du chemin de fer.
Le territoire de Roquepen confronte le territoire de Robert, et cette proximité donne lieu à des controverses. Roquepen appartient au XVe siècle à la famille de Maubuisson ou Maloduno. Étienne de Maubuisson, bourgeois de Martel, arrente à Guillaume Sementary toute la fazion ou territoire de Roquepen avec un hôtel (ou hospicium, c’est-à-dire une grande maison), une fortalizza (ou lieu fortifié dans une cavité de falaise), autres maisons, grange, jardins et fontaines.
En 1455, les fils d’Étienne Gaubert, Guillaume et Pierre Sementary, confirmeront cet arrentement. Mais la maison, le jardin et le colombier semblent avoir déjà été arrentés à Guillaume Sementary par le seigneur de Floirac et le damoiseau Bernard Miquiel. De plus, le vicomte de Turenne a arrenté en 1470 au même Guillaume Sementary une terre qui confronte son bois et ses terres de Roquepen, et dont il est seigneur foncier avec Guillaume de Cosnac de Creysse.


En somme, il y a trois ou quatre seigneurs pour un même territoire, ce qui démontre l’importance stratégique de ce lieu.
Les Maubuisson sont (ou seraient) à l’origine d’un château accolé à la falaise.
Ils conservent la seigneurie du lieu de Roquepen. En 1514, il est encore question de la fortalizza de la Roche et de la Roche de Roquepen.
En 1514, Jean Sementary reconnaît devoir à Aymerie (ou Aymeric) de Maubuisson, fils de feu François, bourgeois de Martel, la garde de la fortalizza en compagnie de quatre autres tenanciers: les Beyssenc, Goudal, Brunet et Constant.
Poumeyrol Pierre de Roquepent et Marguerite Delmas, son épouse, ont un enfant, Jean, qui a eu le 25 juillet 1685 pour parrain Jean Mazouyé de SaintDenis et pour marraine Claire Lamothe de Floirac.


Roquepen, vestiges du bâtiment
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HISTOIRE D’UNE, DEUX ET TROIS PHOTOGRAPHIES
Nelly Blaya

L’événement
Dans la soirée du mercredi 13 octobre 1880, sur la rive droite du Lot en amont du tunnel des Coudoulous, un pan de la falaise s’est écroulé, bloquant le chemin vicinal 33 qui va de Cahors à Figeac et obstruant le cours du Lot au niveau du chenal de l’écluse de Ganil. Le Journal du Lot du 16 octobre relate l’événement avec force détails. Certains de ces détails seront repris par Jacques Malinowski dans sa communication du 6 décembre.
« L’éboulement de Bouziès.
Un éboulement considérable, dont la cause est encore inconnue, s’est produit le 13 au soir, dans la falaise de la rive droite du Lot, aux Coudoulous, à peu de distance en amont du souterrain du chemin de grande communication de Cahors à Figeac. La masse détachée de l’ensemble de la montagne est tombée en se divisant en gros blocs sur le chemin et dans la rivière. Elle mesurait 20 m de longueur, 10 m de profondeur et 65 m de hauteur, ce qui donne un cube de 13 000 m, dont à peu près 8 000 m forment une espèce de pyramide allongée qui obstrue les trois quarts de la largeur du Lot. La force du choc a été telle, qu’un certain nombre de pierres ont été projetées sur la rive opposée, jusqu’à une distance de cent et quelques mètres, et ont pénétré dans le sol. Il est à craindre, si une crue survenait, que l’obstacle opposé à l’écoulement des eaux ne détermine l’ouverture d’un nouveau lit de la rivière, à travers la plaine à sol très meuble de la rive gauche, et la destruction du canal de dérivation aboutissant à l’écluse de Ganil. Nous apprenons que M. Cohen, ingénieur en chef de la navigation du Lot, s’est transporté immédiatement sur les lieux et a pris d’urgence les mesures nécessaires pour assurer le passage des bateaux, et les travaux à l’aide desquels il espère conjurer la production de tout désastre. Ces travaux ont dû commencer dès ce matin, samedi, et si une crue ne vient pas les contrarier, les chances de danger pourront disparaître dans une quinzaine de jours. Il serait vivement à désirer que les habiles photographes de notre ville conservent, par des clichés pris de points de vue convenablement choisis sur la rive gauche, l’aspect à la fois curieux et terrifiant que présente une masse aussi considérable de rochers éboulés, dont la superposition grandiosement bizarre est difficile à imaginer. De pareilles vues seraient évidemment très recherchées, non seulement par les curieux et les voyageurs, mais encore par les savants des grandes villes, désireux de conserver le souvenir d’un accident heureusement fort rare dans les annales géologiques de nos contrées.
Le bruit se répand qu’un homme conduisant une charrette de vendanges, dans la nuit du 13, sur cette route, n’aurait pas reparu depuis à son domicile. Le malheureux aurait-il été englouti sous les rochers? Nous n’osons pas nous arrêter à cette horrible pensée, et nous attendons à cet égard des informations précises. »
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POÈTES DU QUERCY CONTEMPORAINS. MAX PONS
Gilles Lades
L’existence et l’œuvre de Max Pons sont inséparables du site et du château de Bonaguil, qui jouxtent de si près le Quercy. Max Pons est né en 1927 à Condat, commune de Fumel, à une portée de regard du prestigieux château, qu’il découvrit à cinq ans, à l’occasion d’un repas sur l’herbe en famille. Émerveillement analogue à celui qui transporta le jeune Loti devant la forteresse de CastelnauBretenoux lors d’un séjour chez « l’oncle du Midi ».
Bonaguil symbolise l’essence du prestige féodal, avec une note artistique particulière. En 1380, la famille languedocienne des Roquefeuil s’allie à la famille de Blanquefort, détentrice de Bonaguil. En 1483, Bérenger de Roquefeuil hérite de tous les biens de ses parents. Il est bien en cour auprès de Louis XI. En 1495, il s’installe à Bonaguil après avoir habité son château de Castelnau-Montratrier.
Il affirme un caractère de plus en plus arrogant, notamment par rapport à Charles VIII. Il s’applique à créer une forteresse capable de résister à tous, même au roi. Le principal objectif est de contrer l’artillerie adverse. Il ajoute au château une puissante enceinte externe, renforcée de tours basses, de soutènements et de nombreuses bouches à feu défensives. Les pièces d’artillerie du château, disposées à divers niveaux, couvrent un vaste terrain. Au-delà du fossé, une barbacane accroît encore la sécurité. La partie résidentielle est renforcée par 6 tours peu engagées, protégeant efficacement le cœur du château. Ce dernier, qui comportait en tout 13 tours, ne fut jamais attaqué.
Bien que lié au Périgord et à l’Agenais, le poète souligne l’importance biographique que revêt pour lui le Quercy : « Quant à ma filiation quercynoise, du côté de mon père, elle est certaine (une partie de ma famille procédant de Montcuq).
Et je suis né à quelques centaines de mètres du territoire lotois… Bref, je me considère comme un vrai Quercynois » (lettre à l’auteur du 19 octobre 1998).
D’autres lieux ont marqué son existence : la région parisienne où il vécut quelques années d’enfance, la Bretagne où il passa ses vacances familiales de 1933 à 1937, Barcelone où il demeura dix ans. Mais après le retour sur ses terres natales, c’est Bonaguil qui restera le centre de sa vie. Max Pons sera le conservateur du château de 1954 à 1992 et il prononcera nombre de conférences à son sujet. Il invitera de nombreux poètes sur ce site, notamment André Breton,
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COMPTE RENDU DE LA SORTIE DE PRINTEMPS
Patrice Foissac
Les images de cette journée peuvent être consultées sur la page Photos des sorties

(photo N. Blaya)
Le programme de cette sortie de printemps avait été voulu peu chargé en raison des distances, puisqu’elle avait pour cadre le Périgord voisin, mais autour de deux lieux passablement éloignés, de Cahors tout au moins: la forge d’Ans (commune de Cubjac-Auvézère-Val d’Ans) et le château de Hautefort.
La forge d’Ans, au cœur du Périgord Noir, est donc la première et seule visite inscrite au programme de la matinée. Au terme d’une longue route et de quelques errements, nous sommes enfin chaleureusement accueillis autour d’un café par l’association « La Route des canons de la forge d’Ans » créée en 1996, représentée sur place par sa secrétaire, Mme Nicole Gouthier, et son trésorier, M. Bernard Mercier, qui vont nous servir de guides.

(Photo Nelly Blaya)
S’il n’est guère surprenant de trouver là une forge en raison de la présence de minerai de fer et du charbon de bois longtemps utilisé dans la sidérurgie et depuis des temps très anciens, c’est l’ampleur atteinte par l’établissement à l’Époque moderne et sa spécialisation dans la fabrication de canons de marine loin de tout port qui sont particulièrement surprenants. Sur le site, nos guides nous rappellent fort opportunément (nous sommes au lendemain d’une forte crue des cours d’eau de la région) qu’au minerai de fer et au charbon de bois, autrefois abondants dans la région, il faut ajouter la présence du Blâme, cours d’eau assez régulier et puissant, qui a été partiellement canalisé pour faire fonctionner des roues hydrauliques, énergie indispensable aux soufflets du haut-fourneau et autres équipements sidérurgiques. Ans va bénéficier du programme de constructions navales des règnes de Louis XIV et Louis XV et au-delà, jusqu’au début du XIXe siècle, pour équiper les vaisseaux de la marine de guerre de canons de fer de fort calibre. Ces commandes inattendues dynamisent un site qui va s’étendre autour des hauts-fourneaux – la forge en comptera jusqu’à trois – avec d’autres bâtiments: moulerie, forerie, forge, affinerie et divers hangars de stockage. On comptera jusqu’à 400 personnes travaillant sur le site dans une quinzaine de corps de métiers, sans compter les ouvriers extérieurs à la forge, mineurs, bûcherons, charbonniers, etc.

(photo Nelly Blaya)