Bulletin 2022 N°4 (Octobre – Décembre)
SOMMAIRE DU BULLETIN | |
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Frédéric Rivière (Re)Découverte d’une villa gallo-romaine dans la vallée du Lot | 305 |
Michel Durand Peyrounasse, commune de Varaire. Un lieu chargé d’histoire et une pierre mystérieuse | 311 |
Michel Durand Complément à l’article « Notes sur les seigneurs de Pern, la métairie grande » | 317 |
Max Aussel – Réquisitoire des consuls et viguiers de Gourdon en 1340 contre certains individus | 319 |
François et Mado Thiveaud Trois siècles mouvementés du domaine viticole d’Arnis près Cahors, 1650-1908 | 324 |

Henri Durand (†) – Journal d’un maquisard lotois. | 335 |
Pascal Griset, Léonard Laborie – L’émigration lotoise et le développement de la viticulture argentine au XIXe siècle | 340 |
Patrice Foissac – Sortie du 22 mai à Marcilhac, St-Sulpice, Blars et Bouziès | 346 |
Philippe Deladerrière – Sortie du 16 octobre à Bruniquel et Penne | 354 |
Procès-verbaux des séances | 367 |
Marc Lecuru – Colloque du 150e anniversaire de la Société des Études du Lot, le mot du président et les photos | 371 |
Étienne Baux – Note de lecture : Laurent Wirth, Le destin de Babel | 383 |
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Extraits
(RE)DÉCOUVERTE D’UNE VILLA GALLO-ROMAINE DANS LA VALLÉE DU LOT
Frédéric Rivière

Le 6 septembre 2022 au soir, une habitante du hameau de Cornus, sur la commune de Cénevières, m’a appelé pour me signaler qu’une tranchée de réseau avait été creusée dans le champ au-devant de l’église Saint-Luc. Cette information a tout de suite suscité pour moi un vif intérêt rapidement suivi d’une grande crainte : la tranchée doit être rebouchée le lendemain, 7 septembre, au matin. Ce champ de l’église est réputé pour conserver dans ses profondeurs une villa gallo-romaine, pour laquelle le moindre petit bout de mur n’a jamais pu être observé.
Le site de l’église de Cornus est mentionné dans la Carte archéologique de la Gaule 46 (CAG 46, 2010, p. 155). Repéré en 1972 par Gilbert Foucaud, il est identifié comme site d’habitat notamment par la présence de tuiles, amphores et sigillées ▲
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PEYROUNASSE, COMMUNE DE VARAIRE .
Un lieu chargé d’histoire et une pierre mystérieuse – Michel Durand

Le nom de Peyrounasse est un dérivé de l’occitan peyroun qui désigne une grosse pierre, avec le suffixe péjoratif -asse. Ce nom de lieu désigne incontestablement la grosse pierre dont il est ici question.
Il est vrai que le secteur de Peyrounasse, situé quelque 600 m au sud de Varaire, n’a pas été nommé ainsi par hasard; le calcaire affleure partout et des blocs rocheux plus ou moins gros émergent de tous côtés. Mousses et petite végétation arbustive s’accrochent à ceux-ci et l’on se demande qui, à part quelques sauvagines maintenant et sans doute quelques moutons aux siècles passés, pourrait ou pouvait trouver quelque intérêt à s’attarder ici.
Certes, si cette zone lapiazée a donné son nom à tout le secteur, quelques parcelles cultivées, de pauvre rendement, existent et la présence d’une petite grange en état et d’une autre en ruine indique que l’homme a réussi à extraire quelques ressources de cette terre ingrate ▲
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COMPLÉMENT À L’ARTICLE “NOTES SUR LES SEIGNEURS DE PERN.LA MÉTAIRIE GRANDE” – Michel Durand

Dans notre article publié conjointement avec Gilbert Piécourt1 , nous nous interrogions sur l’existence ou nom d’un château à l’emplacement de la demeure actuelle.
Le souterrain qui s’y développe et dont les vestiges de mobilier trouvés à l’intérieur semblent accréditer cette hypothèse, nous amenait à le dater du XIIIe siècle. L’importance de son développement nous amenait à conclure notre article par une forte présomption de l’existence d’un château médiéval établi à cet endroit.
Au mois de décembre dernier nous avons été prévenus par les frères Vasseux, dont l’un est propriétaire des lieux, qu’une découverte peu banale venait d’être faite par eux lors de travaux de restauration de la grange ▲
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RÉQUISITOIRE DES CONSULS ET VIGUIERS DE GOURDON EN 1340 CONTRE CERTAINS INDIVIDUS – Max Aussel
Le document qui suit, issu des archives historiques de la ville de Gourdon, est, à ma connaissance, le premier manuscrit local, écrit en langue française, de la première moitié du XIVe siècle, la langue ordinaire étant le latin ou l’occitan.
À ce titre, il mérite donc notre intérêt, mais son contenu suscitera aussi, du moins je l’espère, la curiosité des lecteurs gourdonnais, quercynois et de tous ceux qui aiment l’histoire de notre province, au Moyen Âge, au tout début de la guerre de Cent Ans.
Ma première intention était de publier tel quel, dans le Bulletin, le contenu de ce document, tel que je l’ai découvert autrefois, grâce aux facilités de lecture que me permettait le très regretté M. Monzat, professeur d’histoire et responsable des archives de la ville.
Mais, à la réflexion, le lecteur ordinaire du Bulletin n’étant pas forcément un paléographe chevronné, accoutumé aux innombrables abréviations, contractions et subtilités de la langue médiévale, je me suis décidé, pour en faciliter la compréhension, à actualiser légèrement ce manuscrit tout en suivant de très près son contenu ▲
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TROIS SIÈCLES MOUVEMENTÉS DU DOMAINE VITICOLE D’ARNIS PRÈS CAHORS
1650 – 1908 – François et Mado Thiveaud

Pourquoi parler d’un domaine viticole qui aujourd’hui n’a plus d’existence ?
L’histoire de cette propriété située sur une des collines qui entourent Cahors (à 7 km) est méconnue de la plupart des Cadurciens. Nous-mêmes, à travers les recherches que nous avons pu faire, nous avons découvert des pans entiers de cette histoire.
Nous ne sommes pas historiens ni chercheurs. Notre démarche s’inscrit dans un désir de transmission pour la mémoire d’un lieu, de destins d’hommes, de femmes et d’enfants à diverses époques, en bref une histoire locale dans une période mouvementée.
Nous avons pu écrire cette micro-histoire grâce à des personnes bienveillantes qui nous ont aidés dans nos recherches. Nous citerons les personnels des Archives départementales, municipales, de la Bibliothèque patrimoniale et de recherches du Grand Cahors, ainsi que les bénévoles des archives de la Société des études du Lot ▲
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JOURNAL D’UN MAQUISARD LOTOIS 1940-45 (EXTRAIT) – Henri Durand †
Vers la fin mai 1943, Timo m’a trouvé un refuge chez les Pezet.
Les Pezet Un couple de cultivateurs attachants comme le sont généralement les paysans de notre Quercy, attendant sans résignation le retour de leur fils prisonnier en Allemagne depuis plus de trois ans déjà, subissant comme les autres la dure loi des réquisitions nécessaires à la subsistance des armées occupantes, conscients du risque qu’ils prenaient en accueillant sous leur toit celui qu’on leur avait dit être un réfractaire au STO.
Je menais chez eux une double activité : en même temps que j’aidais, dans les limites de ma modeste connaissance en ce domaine, aux travaux des champs, j’engageais, suivant les directives reçues de Timo, un travail de reconnaissance des itinéraires hors routes et des possibilités d’accueil de la région ▲
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L’ÉMIGRATION LOTOISE ET LE DÉVELOPPEMENT DE LA VITICULTURE ARGENTINE
AU XIXE SIÈCLE – Pascal Griset, Sorbonne Université, UMR Sirice Léonard Laborie, CNRS, UMR Sirice
“L’émigration vers les Amériques de plus d’un million de personnes en provenance de France au cours des années 1820-1920 offre à l’historien ample matière à réflexion”, soulignait François Weil, pour mieux constater que les recherches ont longtemps manqué sur ce sujet
. Cette histoire concerne globalement le Sud-Ouest et pour une part le Lot, puisque nombre de ceux et celles qui quittent le département pour partir outre-mer dans la seconde moitié du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle, se dirigent vers l’Amérique du Sud. Une part significative d’entre eux choisit l’Argentine, qui a une politique active pour attirer les migrants . Dans cette brève synthèse, nous faisons le point sur le rôle de l’émigration lotoise au XIXe siècle dans le développement de la viticulture argentine, désormais mondialement connue pour ses vins de malbec ▲
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SORTIE DU 22 MAI – Patrice Foissac
S’il fallait définir un cadre et donner un titre à cette sortie, nous choisirions sans la moindre hésitation « l’Hébrardie » en hommage au chanoine Edmond Albe et à Armand Viré qui avaient ainsi qualifié le territoire entre Lot et Célé, centre de la puissante seigneurie des Hébrard de Saint-Sulpice dont nous avons suivi les traces de Marcilhac à Saint-Sulpice et de Blars à Condat (cne de Bouziès-Haut). Le choix de ce cadre doit beaucoup à Henri-Paul Lieurade, des Amis de l’abbaye de Marcilhac, à M. et Mme Pierre de La Noue, héritiers directs des Hébrard, à Claude Soirot, architecte et habitant de Blars, et Gilles Raffy, maire de Bouziès et propriétaire du château de Condat, qui nous ont accueillis, ont guidé nos visites avec zèle et dévouement et que nous remercions chaleureusement. Bien entendu, nous associons Danièle Mariotto à ces remerciements pour l’impeccable organisation de la sortie

Le rendez-vous du matin pour les 42 sociétaires inscrits (nous rappelons à ceux possiblement déçus par ce contingentement qu’il a été imposé par le seul restaurant en capacité d’accueillir un groupe et par les difficultés de stationnement dans les lieux visités) a été fixé à Marcilhac où nous reçoit H.-P. Lieurade et ses amis de l’abbaye. Après la traditionnelle photo de groupe, l’auditoire se rend attentif aux explications de notre guide qui, illustrations à l’appui, explique la topographie des lieux, insistant sur l’isolement de l’abbaye et les nécessités de sa défense. Après un bref circuit autour de l’enceinte abbatiale, la halte suivante est consacrée à l’histoire de l’abbaye et de sa restauration encore en cours ▲
LA SORTIE DU 16 OCTOBRE À BRUNIQUEL ET PENNE – Philippe Deladerriere

À la demande du conseil d’administration, Danièle Mariotto a bien voulu organiser deux visites dans les gorges de l’Aveyron, à Bruniquel puis Penne. Peu avant 9h30 nous étions 34 sur l’esplanade devant les châteaux de Bruniquel par un beau soleil d’automne. Ces châteaux, puisqu’il y en a deux, accolés l’un à l’autre, sont propriété de la commune de Bruniquel depuis 1987 et c’est donc une guide municipale qui nous a commenté l’histoire et l’architecture de ces monumentales constructions accrochées en haut de la falaise, dominant de 90 m la rivière Aveyron. Commençons par la légende qui veut que la reine mérovingienne Brunehaut ait fait construire le « château vieux » au VIe siècle à l’emplacement d’un castrum romain

En fait le hasard a voulu que début novembre le Bulletin de l’année 2021 de nos confrères de la Société archéologique et historique de Tarn-et-Garonne contienne une étude passionnante de Léa Girardi-Macario sur le sujet: Pour une nouvelle histoire urbaine de Bruniquel à travers le « chartrier des châteaux ». Nous y retrouvons un de nos illustres médiévistes en la personne de Louis d’Alauzier (1893-1985), apparenté à la dernière propriétaire, qui a classé et étudié l’énorme fonds privé qu’il a d’ailleurs versé aux Archives départementales de Tarn-et-Garonne en 1951. Je donne en annexe une brève bibliographie tirée de l’article en question. M. d’Alauzier nous apprend que la légende de Brunehaut a été forgée par un Quercinois bien connu, Antoine Dadine de Hauteserre (1602-1662). ▲
> PHOTOS DE LA SORTIE DU 16/10/22 <
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COLLOQUE DU 150e ANNIVERSAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES DU LOT,
LE MOT DU PRÉSIDENT – Marc Lecuru
Les 1er, 2 et 3 décembre 2022, la Société des études du Lot fêtait dignement son 150e anniversaire. Rompant avec des traditions bien établies au cours des précédents anniversaires, discours et banquets en particulier, la SEL privilégiait l’organisation d’un colloque pluridisciplinaire intitulé « Le Lot à travers l’histoire » retraçant l’implication de notre Société dans la vie culturelle quercinoise. Ce moment de partage et de transmission des savoirs se voulait ouvert à tous, convivial, joyeux et passionnant. À en juger par l’affluence, parfois débordante, toujours constante et attentive, nous pouvons nous réjouir que le but ait été atteint. La variété et la qualité des interventions, de Jean-Pierre Amalric à Thierry Pelissié, de l’identité du Quercy à la fièvre du phosphate ne se sont jamais démenties.

Soutenues visuellement par les expositions photographiques de Léon Mailhol, Nelly Blaya et Jean-Louis Nespoulous, ces trois journées ont replongé les participants dans cette singularité et cette beauté du Quercy que, depuis sa création, la Société des Études du Lot se plaît à vanter.
À défaut de banquet, nous avons souhaité que des moments de partage et de convivialité permettent aux uns et aux autres de se rencontrer et d’échanger, de découvrir aussi le talent de Xavier Vidal et de ses Camins de biais. Vous nous avez suivis dans cette démarche en répondant présent en très grand nombre, nous vous en remercions.
Pour ce colloque que nous avons voulu libre et gratuit, il a fallu, bien sûr, réunir des fonds. Si nous sommes très heureux que les institutions, Ville, Département, Région aient répondu favorablement et généreusement à nos demandes, nous nous réjouissons particulièrement du soutien des commerçants et des entreprises locales qui ont ainsi porté témoignage de leur confiance et de leur attachement à notre démarche.
La Dépêche du Midi, La Vie Quercynoise, Media Lot, Quercy Net se sont fait les interprètes bienveillants et précis de ces rencontres et ils ont largement contribué à leur succès.
Vous tous, adhérents et non-adhérents, sympathisants ou simples curieux, vous avez été là pour relever un pari dont nous mesurions l’enjeu, un peu moins les difficultés. Nous avons été très sensibles à votre présence, à vos encouragements, à vos témoignages de sympathie. Vous nous permettez ainsi de repartir avec encore plus d’enthousiasme à la découverte des richesses de notre Quercy. ▲
Marc Lecuru, président,
et le Conseil d’administration de la Société des études du Lot
Les intervenants du colloque (photos de Nelly Blaya)
Images du colloque (Philippe Deladerriere)
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NOTE DE LECTURE : LAURENT WIRTH, LE DESTIN DE BABEL
Étienne Baux
(Laurent Wirth, Le Destin de Babel, une histoire européenne, Paris, Armand Colin, 2021, 411 pages.)
Laurent Wirth est familier aux sociétaires qui ont pu apprécier lors de ses précédentes conférences et de sa participation au centenaire de la Grande Guerre, la clarté de ses exposés servie par une méthode impeccable. Inspecteur général d’Histoire, il lui a appartenu de déterminer la place de l’histoire de l’Europe dans les programmes scolaires. C’est dire sa passion pour l’Europe qui apparait dans cet ouvrage savant et engagé.
Pourquoi Babel ? Cette ambition démesurée de l’humanité, victime de son orgueil et s’achevant dans la confusion des langues. Image d’une Europe qui, au cours des siècles et jusqu’à aujourd’hui, s’est reconnue tour à tour dans une vision d’unité mais aussi dans de tragiques déchirements.
Laurent Wirth montre comment s’est constituée une Europe fédérée d’abord par l’héritage romain, puis par l’héritage chrétien. Mais, à chaque étape, politique ou religieuse, apparaissent des fractures, génératrices de conflits : ainsi la Réforme et ses guerres de religion. De même l’humanisme de la Renaissance, facteur d’unité, n’a pu empêcher les guerres entre Etats toujours recommencées. L’Europe des Lumières au XVIIIe siècle n’a pas résisté aux ambitions des nations dont la souveraineté érigée en dogme jusqu’au totalitarisme, a conduit aux désastres du premier XXe siècle, à une culture de guerre devenue totale lors du deuxième conflit. Il a donc fallu l’hécatombe pour qu’un souci d’unité s’impose dans une Europe pourtant écartelée jusqu’en 1989 par le rideau de fer. Construction difficile à 6, à 9, à 27, progressant au fil des crises, parfois rejetée comme au Royaume Uni, largement critiquée par quelques- uns de ses membres, mais forte de ses succès comme l’euro, la politique agricole commune…Laurent Wirth n’a pu mesurer l’impact de la guerre en Ukraine déclenchée au moment même où son livre sortait des presses.
On mesure ainsi l’ambition de cet ouvrage, habile à donner l’essentiel d’une considérable matière historique et donc facile d’accès. Sa richesse tient également à la qualité de son appareil critique, c’est à dire à l’abondance de ses notes offrant aux spécialistes comme aux moins avertis une mine de renseignements et de références, redressant ainsi bien des erreurs et des parti pris. En fin de volume, onze cartes qui dans leur simplicité sont tout aussi démonstratives que le texte.
Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France, a donné à l’ouvrage une éclairante préface. Il montre comment Laurent Wirth a échappé à un double piège : celui « d’une histoire édulcorée qui cherche à ne fâcher personne » et celui d’une histoire trop compliquée « dressant l’inventaire de ce qui nous sépare ». Il a choisi le courage de la simplicité en assumant « les hésitations, les incertitudes et les contradictions » du discours historique ▲