Bulletin n°1 – 2025 (Janvier-Mars)

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E X T R A I T S

DÉCOUVERTE DE MONNAIES GAULOISES DANS LE LIT DE LA DORDOGNE À FOUSSAC,
EN FACE DE COPEYRE (Communes de Floirac et Martel)

Jean-Pierre Girault et Roger Mialet

Les découvertes
Aurélien Clément, dans le lit de la Dordogne à l’aplomb de la falaise de Foussac, lors d’une plongée avec un simple tuba pour regarder les poissons, a remarqué des objets métalliques piégés dans les failles: des plombs de filets de pêche, d’éperviers, et des objets divers perdus lors de nombreux naufrages de canoés. Parmi ces objets, il a trouvé des monnaies gauloises diverses et médiévales très érodées et d’autres objets métalliques qu’il a bien voulu nous confier
pour étude. L’usure des monnaies est importante, mais pas encore à l’état de savonnette comme on en trouve dans la Dordogne. Elles ont donc parcouru une faible distance et n’ont pas été beaucoup roulées avec les galets. Perdues certainement de façon fortuite ou accidentelle, en divers points et divers moments, lors de la traversée du gué qui devait se trouver de fait à proximité et en amont.
Les remous et les courants assez importants à cet endroit ont contribué à déposer et piéger ces monnaies dans les anfractuosités de la roche après un dévalement assez court dans le lit de la rivière, ce qui permet encore de les identifier aujourd’hui.

Les monnaies gauloises trouvées dans la Dordogne à l’aplomb du rocher de Foussac

La coupure de Copeyre
La Dordogne lèche la falaise de Mirandol jusqu’à la coupure de Copeyre avant d’aller buter contre la petite falaise de Foussac qui forme un éperon. Entre les deux falaises, il existe depuis plusieurs années un radier qui est guéable lors de basses eaux (fig. 2). Au contact de la falaise de Foussac, les eaux forment un énorme tourbillon (remous) avec un contre-courant très important (fig. 3). Au pied de la falaise de Foussac, à environ 2 mètres de profondeur, une plateforme rocheuse comprend plusieurs failles, en forme de V, de 30 à 40 cm de profondeur. Le remplissage de ces failles, de l’ordre de 20 cm, contient des objets métalliques et des graviers qui se sont trouvés piégés par leurs poids. Plus en amont de la falaise, il existe un profond.

LETTRES DE RÉMISSION POUR LES CARDAILLAC ET DÉODAT DE CORN (1445-1447),
SEIGNEURS PILLARDS MAIS « BONS FRANÇAIS »

Patrice Foissac

Nous avons entrepris d’illustrer en quelques articles l’état désastreux du Quercy à la fin de la guerre de Cent Ans, jusqu’ici en évoquant le sort des « repentis », seigneurs passés temporairement au service des Anglais ou autres adversaires de Charles VII, comme ce fut le cas de Guillem Bertrand de Guiscard et Bernard Del Pech de l’Ychairie . Il s’agissait de nobles possessionnés dans la basse vallée du Lot, région frontière de l’Aquitaine anglaise et où subsistait sans doute un certain ressentiment à l’encontre des spoliations de l’évêque de Cahors à l’issue de la croisade des Albigeois. Les registres de « lettres de rémission » (nous rappelons aux nouveaux lecteurs qu’il s’agit de l’octroi du pardon royal) contiennent aussi les doléances des seigneurs quercinois restés fidèles au roi de France, disons plutôt aux Valois. En effet, comme nous allons le voir, les mercenaires – communément appelés « écorcheurs » ou « routiers » – à la solde du roi de France, alors dirigés dans notre province par le célèbre Rodrigue de Villandrando , vivaient eux aussi sur le pays avec tout le cortège de pillages, vols, viols, incendies et meurtres propres aux armées en campagne à cette époque, fussent-elles officiellement au service de la « libération » du pays
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L’ANNUAIRE DU LOT DE 1828, PREMIER D’UNE LONGUE SÉRIE

« Annuaire statistique et administratif du département du Lot pour l’année bissextile 1828
Publié avec l’autorisation de M. le Préfet par P. F. ROBERT, inspecteur des bureaux de la Préfecture
À Cahors, F. M. RICHARD, Imprimeur de la Préfecture »

Étienne Baux

Ainsi débutait une longue série d’annuaires publiés chaque année jusqu’au début du siècle suivant. Annuaires conservés dans leur intégralité aux Archives départementales, dans la Bibliothèque patrimoniale du Grand Cahors et dans celle de la Société des études du Lot. Comme ces Annuaires, instruments de travail pour tous ceux qui avaient des responsabilités dans le département, furent largement diffusés, on peut supposer, malgré notre ignorance du tirage, qu’un certain nombre se trouvent encore dans les sous-préfectures, les mairies. L’inventaire reste à faire.

Présentation

C’est une œuvre collective, coordonnée par un fonctionnaire placé au cœur de l’administration préfectorale, comme il est dit dans le titre ci-dessus. L’éditeur, dans une note préliminaire, remercie ceux qui ont contribué à la réussite du projet: les chefs de l’administration du département ont fourni les matériaux, secondés par le géomètre en chef, le directeur de l’enregistrement, Monsieur Delpon de Livernon, sans précision de titre ou fonction, mais aussi le proviseur du collège royal et le vicaire général du diocèse.

L’allusion à ce dernier, particulièrement distingué, nous ramène à l’état politique du moment. En 1828, voici quatre ans que Charles X, frère du défunt Louis XVIII, occupe le pouvoir, bien décidé à y mettre sa marque, fort éloignée de celle de son prédécesseur, nettement plus cléricale et nostalgique de l’Ancien Régime. « Plutôt scier du bois que de régner comme le roi d’Angleterre » aurait-il déclaré. Il l’a payé cher deux ans plus tard avec la Révolution de Juillet qui le chassa du pouvoir. Mais cela importait peu à la très grande majorité des Lotois qui pensaient, comme le père Fourchon du roman de Balzac (Les Paysans): « l’enseigne a changé mais le vin est toujours le même ».
Cette masse rurale peu instruite, privée des droits civiques, était satisfaite au demeurant d’avoir échappé aux servitudes d’autrefois et à la conscription, mangeuse d’hommes, dont le souvenir n’était pas effacé treize ans après la chute de l’Empire. Le legs incontestable de celui-ci s’inscrivait dans l’administration préfectorale avec à sa tête le marquis de Saint Félix-Mauremont, préfet du Lot depuis 1823, et dans les deux sous-préfets de Figeac et de Gourdon. Le présent
Annuaire s’annonce dans sa page de titre comme « publié avec l’autorisation de M. le Préfet ». Qu’on ne s’y trompe pas! C’est bien lui qui est à l’origine de cette publication comme il en fut de même pour l’ensemble des départements français à l’initiative du ministre de l’Intérieur.

LE RETOUR CONTESTÉ DE FÉNELON À CARENNAC EN 1932

Charles Montin

Les habitants de Carennac et touristes de passage remarquent sur la principale place, sans y prêter trop d’attention, un monument modeste au pied des murs du château du doyenné, comportant un personnage qui semble contempler le paysage de la rivière et de l’île Calypso. Peu d’entre eux se demandent comment et depuis quand cette sculpture est arrivée là, même si les Carennacois savent que Fénelon (1651-1715), prélat et écrivain catholique, est le personnage le plus célèbre de l’histoire locale, auteur de l’Ode à Carennac, et qu’il y est tout à fait à sa place sur la belle esplanade qui domine la Dordogne, appelée La Palissade.
En effet, le récit de l’arrivée à Carennac, en 1681, du nouveau doyen commendataire sous les acclamations du peuple, a longtemps été présenté comme un exemple de bon style épistolaire et a même été en partie traduit en anglais.
Quand les voyages culturels sont devenus plus fréquents, de nombreux touristes ont été attirés à Carennac par ce texte, entre-temps enjolivé de commentaires par les journalistes. Voici quelques extraits de la lettre d’origine :

« Oui, Madame, n’en doutez pas, je suis un homme destiné aux entrées magnifiques. (…) J’arrive au port de Carennac et j’aperçois le quai bordé de tout le peuple en foule. Deux bateaux, pleins de l’élite des bourgeois, s’avancent. Je passe la belle rivière de Dordogne. Au bord m’attendent gravement tous les moines en corps; leur harangue est pleine d’éloges sublimes; ma réponse a quelque chose de grand et de doux. Cette foule immense se fend pour m’ouvrir un chemin, chacun a des yeux attentifs

ANDRÉ DERAIN (1880-1954) ET SA « PARENTHÈSE ENCHANTÉE »
DANS LE LOT EN 1912

Danièle Mariotto et Didier Rigal

André Derain, c’est le parcours exceptionnel d’un peintre inclassable et complexe.
Il s’agit d’une des figures les plus fascinantes et les plus méconnues de l’histoire de l’art moderne.
À Collioure, en 1905, il déclenche avec Matisse la première révolution picturale du XXe siècle : le fauvisme.
À Londres, où Vollard l’envoie rivaliser avec Monet, il découvre l’art nègre qu’il fait connaître à Montmartre.

Éternel insatisfait, Derain participe avec Braque et Picasso à l’invention du cubisme

En 1910, il décide de partir « à la recherche des secrets perdus de la peinture ». Sa démarche préfigure le retour au classicisme de l’entre-deux-guerres. Après les épreuves de la Grande Guerre qu’il subit stoïquement, il connaît la gloire. Sacré « plus grand peintre français vivant », Derain devient à Paris l’un des princes des Années folles. Géant mélancolique, il mène grand train au volant de ses Bugatti, entouré de ses conquêtes féminines. Débonnaire et dédaigneux, gamin et grave, jouisseur et mystique, Derain avance masqué dans la vie, dévoré par le doute. En 1935, après la mort de son marchand Paul Guillaume, il se retranche dans sa maison de Chambourcy où il peint encore quelques-uns des plus beaux tableaux de son temps.
Après 1945, l’homme, comme son œuvre, sont décriés. Sa vie personnelle devient un enfer. Il meurt presque oublié. Ce récit nous conduit à nous poser, en même temps que l’artiste, à contre-courant de tous les styles et pourtant si souvent à leur origine, les problèmes esthétiques rencontrés par les tenants de l’art moderne. Allons à la redécouverte de l’un des artistes les plus audacieux et les plus controversés de son époque. (d’après Le Titan Foudroyé de Michel Charzat, 2015, et le site officiel d’André Derain par Jacqueline Munck).

LES FEMMES DE FIGEAC
APRÈS LA RAFLE DU 12 MAI 1944

Jean-Pierre Baux

La rafle de Figeac est pieusement commémorée chaque année par la ville de Figeac et les communes de l’arrondissement qui en ont souffert. Son 80e anniversaire l’a été avec solennité : cérémonies émouvantes, tournage d’un film « Figeac se souvient », évocation lors du colloque organisé par l’ONaCVG à Caniac-du-Causse « 1944 en Quercy : l’engagement à l’épreuve de la répression », conférence sur la rafle
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Pourtant, on a peu parlé de ce que fut la vie à Figeac pendant plus d’un an après la rafle et notamment du rôle vital des femmes, dans des conditions particulièrement difficiles. En fait, cet aspect important de l’histoire figeacoise n’a pas été étudié de façon exhaustive
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On se propose donc de partiellement pallier cette injuste lacune en examinant successivement: la rafle et ses conséquences; la vie à Figeac sans les hommes; le retour des hommes après la victoire.

La rafle et ses conséquences


Rappelons que cette rafle est une opération organisée par la police allemande et mise en œuvre par un détachement de la division nazie Das Reich. Elle se déroule dans le contexte d’une résistance très active, partiellement nourrie par l’échec du Service du travail obligatoire (STO) et l’approche de la Libération.
Elle vise à capturer des résistants et des réfractaires au STO bien identifiés par des indicateurs.
L’action débute le 10 mai 1944. En fin d’après-midi, la Das Reich traverse Figeac dans le vacarme des engins chenillés et des camions qui transportent la troupe. Au soulagement de la population, le convoi se dirige vers le nord et le nord-est de l’arrondissement qui vont connaître de terribles exactions.
Le 11 mai au soir, les nazis reviennent aux portes de Figeac. La ville est bouclée et des équipes mixtes, Gestapo, police allemande et indicateurs, parcourent les rues où patrouillent aussi les militaires. Quarante personnes, dont huit femmes, sont alors détenues à l’hôtel Tillet, à deux pas de la gendarmerie où les Allemands festoient.

POÈTES DU QUERCY CONTEMPORAINS JACQUES MOREAU, DIT MOREAU DU MANS

Gilles Lades

Jacques Moreau, né à La Flèche, dans la Sarthe, en 1924, est l’exemple d’un choix sans retour pour le Quercy. Il séjourna l’été dans la vallée de la Dordogne, dès les années cinquante. Le Lot fut ensuite le lieu de son activité professionnelle, comme responsable de l’orientation scolaire à Cahors, à partir de 1975. Il passa sa retraite à Martel jusqu’à son décès en 1998. Il repose au cimetière de la Ville aux sept tours, auprès de son épouse Renée.
Fils d’un couple d’instituteurs, il fit ses études secondaires au lycée du Mans. Un de ses camarades de classe, Serge Brindeau, écrivit une histoire de la poésie française du XXe siècle
. Parallèlement à son œuvre, Jacques Moreau prit une part active à la vie poétique de son temps. Son expérience la plus marquante fut la participation au groupe et à la revue La Tour de Feu (1946-1981), réunis à Jarnac autour du poète charentais Pierre Boujut. Cette revue affirmait le primat de la poésie, susceptible de transformer le monde. Elle professait un pacifisme résolu, associé à un esprit libertaire. Enfin, cette revue se voulait à la fois provinciale et internationale.

LE CHÂTEAU DE LANTIS, SA RESTAURATION ET SON HISTOIRE : UNE MISE AU POINT

Patrice Foissac

Le 5 février dernier, une célèbre émission de télévision à vocation culturelle et patrimoniale, « Des Racines et Des Ailes », consacrait 11 minutes de sa diffusion à la présentation du château de Lantis, commune de Dégagnac
. Nous nous attendions à la légitime et fort plaisante célébration d’une belle restauration, celle d’un château acquis en 1993 par ses actuels propriétaires et que notre Société avait pu visiter en 2008 (CR dans le BSEL t. 129, 2008). Mais à cette occasion il n’a jamais été question de l’hallucinante histoire qui nous a été donnée d’entendre lors de l’émission en cause et qui, semble-t-il, avait été servie depuis quelques années déjà à plusieurs médias (TF1, La Dépêche du Midi, Sud Ouest, Dire Lot, etc.) et aux visiteurs.
Résumons le légendaire pour ceux de nos lecteurs qui n’auraient pas vu l’émission ou eu accès aux réseaux sociaux et à l’immédiate réaction de la SEL sur sa « page Facebook ».
Les propriétaires actuels auraient donc acquis en 1993 un terrain portant une butte d’où dépassait un simple « pigeonnier », et cela dans l’intention d’y accoler une maisonnette pour leurs vacances. C’est alors qu’en en dégageant les abords ils auraient, ô surprise, découvert un véritable château « enfoui depuis plus de 200 ans », c’est-à-dire lors de l’émigration du pseudo-châtelain, un Clermont-Toucheboeuf, à la Révolution. Son fidèle intendant ou homme de confiance aurait alors entrepris de dissimuler entièrement l’édifice pour éviter sa destruction par les révolutionnaires… Le dégagement progressif « par le haut » aurait finalement conduit à l’excavation complète d’un château quasiment intact dont il resterait encore aujourd’hui à découvrir le rez-de-chaussée (!) ainsi qu’au moins deux niveaux de sous-sol, dont une improbable « salle d’entraînement militaire » pour la « garnison » du château…