Le musée de Grenoble fut fondé le 16 février 1798 et n’a cessé de s’enrichir pour présenter aux visiteurs un ensemble unique, tant par ses collections d’art ancien que moderne et contemporain. Lorsqu’il arrive à Grenoble en 1950, Jean Leymarie, tout jeune conservateur (il a 30 ans), prend la charge d’une collection magnifique composée de donations exceptionnelles et de dépôts de l’Etat en art ancien et d’un ensemble d’art moderne unique en France à l’initiative de son prédécesseur Andry-Farcy.
Succéder à Andry-Farcy n’était pas chose aisée !
Jean Leymarie, bien que respectueux de l’héritage laissé par le conservateur auquel il succédait, saura imposer ses propres conceptions muséographiques. Il s’emploiera à compléter les collections existantes mais aussi à valoriser une action en faveur de l’art vivant. Il mettra en place une politique de grands changements afin de maintenir le musée de Grenoble en adéquation avec son temps.

Crédit photographique : musée de Grenoble/ J.L. Lacroix
© Adagp, Paris
Dès son arrivée, il engagea de lourds travaux de rénovation des bâtiments afin de moderniser la présentation des collections et rajeunir l’image du musée. Il mit en place un parcours chronologique et historique dont l’objectif était de donner plus de cohésion à la visite des salles du musée et favoriser une démarche plus didactique mettant davantage en valeur les collections du musée de Grenoble.
Jean Leymarie, durant son court mandat, oeuvra pour l’enrichissement des collections du musée de Grenoble. Il reçu plusieurs dons essentiels d’artistes tel que Le Songe d’une nuit d’été (1939) de Marc Chagall, ou de Galeristes en vue tel que Le nid d’Amphioxus (1936) d’Yves Tanguy (don de Peggy Guggenheim) ; il completa de façon efficace le fonds Matisse avec une Tête de Jeannette (vers 1910-1911) et procéda à des acquisitions à la fois audacieuses et nécessaires telles que La Bouteille de rhum (1916-1917) d’Henri Laurens, L’homme à l’orange (1923) d’André Masson, Pommiers en fleurs (1902) d’Albert Gleizes ou La cage (1950) d’Alberto Giacometti.

Musée de Grenoble J.L. Lacroix
© Adagp, Paris

J.L. Lacroix
© Adagp, Paris
Grâce à la clairvoyance de Jean Leymarie, l’institution a été la première en France à se porter acquéreur d’une œuvre d’Alberto Giacometti. Proche du sculpteur suisse qu’il avait rencontré à Paris au lendemain de la seconde guerre mondiale, il obtient l’achat de Lacage sans contre partie financière au seul prix de la fonte pour 175 000 francs.

© Succession Alberto Giacometti
(Fondation Giacometti, Paris et Adagp, Paris)
Jean Leymarie organisa de grandes expositions au musée de Grenoble mais aussi à Paris qui eurent parfois un retentissement à l’étranger. Il effectua des conférences et visites commentées qui initièrent une proximité avec le public tant local que national.
L’action de Jean Leymarie permit à de nombreuses toiles importantes du musée de Grenoble d’être présentes dans les principales manifestations telles qu’en 1949 : La grande rétrospective Bonnard à Zurïch, Gauguin à l’orangerie, organisée par le conservateur, La Section du fauvisme à la biennale de Venise dont Jean Leymarie était le commissaire, l’exposition du paysage français à Londres …
En 1951, l’exposition Van Gogh, réalisée avec le concours de la fondation Van Gogh et du Musée Municipal d’Amsterdam, présentait un ensemble de 100 toiles et dessins et recueillit 13 890 entrées.
En 1953, une exposition Cézanne comprenant 50 toiles et aquarelles venues des principaux Musées et collections d’Europe et des États-Unis a permis de réunir 8 987 visiteurs.

La même année, une exposition pour le 150e anniversaire de la naissance de Berlioz permit de tisser autour de la figure du compositeur des liens entre la musique et la peinture au XIXe siècle.
Il consacrera également une troisième exposition à Jongkind et ses aquarelles du Dauphiné qui s’achèvera en mai 1955, cinq mois avant qu’il ne quitte son poste de conservateur.
Jean Leymarie, tout au long de son mandat, mit au service de la ville de Grenoble ses conceptions muséographiques modernes exprimant sa volonté de tourner son musée de Peinture et de sculpture vers l’art vivant.
“ je m’efforcerai, […], de servir de mon mieux le rayonnement de l’art français et le prestige culturel de Grenoble” (Archives Municipales de Grenoble, courrier adressé par Jean Leymarie au maire de Grenoble, datant du 9 mars 1951).
Christiane Charissou,
diplômée de l’École du Louvre
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Bibliographie : Béatrice Chaix, Jean Leymarie, Conservateur du musée de Grenoble de 1950-1955, Un conservateur en adéquation avec son temps. Master I d’histoire de l’art, 2005, UFR Sciences humaines, Université Pierre Mendès France, Grenoble, sous la direction de la professeure Moger.; Hélène Lassalle, “Nécrologie”, 2006, Conservateur honoraire du Patrimoine.
Notes : Archives du musée de Grenoble.
Remerciements : Hélène Vincent conservateur du musée de Peinture et de sculpture de Grenoble, pour ses précieux conseils.