Bulletin n°2 – 2024 (Avril – Juin)

SOMMAIRE DU BULLETIN.
Étienne Lallau
Un nouveau regard sur l’histoire et l’évolution du castrum de Saint-Céré
81
Alain Faucon
La sirène bifide de Salviac.
115
Patricia Brochier
Clément Marot (1496-1544). Du gentil poète et galant cavalier
à l’aventurier persécuté
119
Philippe Deladerrière et Patrice Foissac
“Extrait du verbal fait par Adam Philippon ingénieur ordinaire
du roi, touchant la navigation de la rivière d’Olt – 1649″
135
Hervé Savoie
Du labour à la haute mer, le capitaine de vaisseau Joseph Bonafous-Murat (1788-1864)
144
Étienne Baux
Note de lecture : Frédéric Empaytaz, dernier préfet du Lot
nommé par le gouvernement de Vichy
151
Conférence de Jean-Louis Vernet : Préhistoire, feux et
charbons de bois
163

E X T R A I T S

UN NOUVEAU REGARD SUR L’HISTOIRE ET L’ÉVOLUTION DU CASTRUM DE SAINT-CÉRÉ

Première partie : le Moyen Âge

Situé dans le nord-est du département du Lot, le castrum de Saint-Céré se trouve sur la commune de Saint-Laurent-les-Tours. Le site occupe l’assiette d’un promontoire calcaire d’environ 130 mètres de long sur 50 mètres de large, dominant la vallée de la Bave et l’actuelle ville de Saint-Céré, à 306 m Ngf d’altitude (fig. 1 et 3). Cet éperon est entièrement fermé par un mur d’enceinte, fondé directement sur le rocher, lequel incarne avec les deux tours maîtresses le vestige le plus significatif du castrum médiéval. Hormis ces organes de défense, le site abrite toujours un large puits d’origine médiévale (fig. 2), et le manoir néogothique correspondant au corps principal de l’Atelier-Musée Jean-Lurçat reprend très largement les bases d’un grand corps de logis médiéval

Hormis ces organes de défense, le site abrite toujours un large puits d’origine médiévale (fig. 2), et le manoir néogothique correspondant au corps principal de ’Atelier-Musée Jean-Lurçat reprend très largement les bases d’un grand corps de logis médiéval..

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LA SIRÈNE BIFIDE DE SALVIAC

Une surprenante sculpture est positionnée en clé de voûte du porche Renaissance près de la grande Maison Malbec, ancien hôtel particulier de la fin du XVIIIe siècle, sur la place du même nom.
Longtemps intrigués par l’aspect monstrueux et énigmatique de cette sculpture chimérique, nous avons essayé de l’identifier et d’en comprendre le sens. Bien que la sculpture (à l’air libre) soit altérée par le temps, l’image d’une sirène bifide a été confirmée.
.
Une représentation assez proche de la sirène de Salviac orne le chapiteau n° 14 du cloître roman bénédictin de Sant Pere de Gérone en Espagne. Quelle signification peut-on donner à ces sculptures ? Quelle interprétation peut-on en faire ?

Nous avons trouvé quelques clés pour essayer d’appréhender la signification de la représentation de cette sirène dans l’étude de Solène Daoudal sur les sirènes romanes en Poitou aux XIe et XIIe siècles.. L’autrice de cette étude précise : « Le type iconographique de la sirène […] mi-humaine, mi-animale qu’elle soit oiseau ou poisson, est le scandale figuré de l’homme charnel, oublieux de son essence divine.

Cette morphologie place la sirène sous l’égide du diable, le Grand diviseur […]. Les monstres apparaissent à la fois comme incarnations sataniques, comme images des vices et aussi comme celles des démons intérieurs que l’homme doit vaincre pour parvenir à l’égalité de l’âme.

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CLÉMENT MAROT (1496-1544)
Du gentil poète et galant cavalier à l’aventurier persécuté

Clément Marot est connu des Cadurciens: il a son lycée, sa rue, sa fontaine. Mais qui était-il ?
Il n’est guère connu du grand public. Une sorte de point de passage obligé entre le Moyen Âge et la Renaissance. Mais il a été évincé par Villon avant lui et par Ronsard et la Pléiade après lui. Il va être aussi étouffé (dans la postérité) par son contemporain qui tient une place tonitruante dans la prose : Rabelais.

Une poésie elle aussi peu connue et peu étudiée du fait de sa nature très artificielle et de sa langue ancienne, difficile, même modernisée et traduite. Pas du tout la poésie au sens moderne du terme, entendue maintenant comme l’expression de sentiments ou vision du monde. On a ici un professionnel de la poésie, j’oserais dire un « intermittent » de la littérature, un particulier indépendant, qui cherche à en vivre, comme tous les autres, grâce à un mécène. Mais comme le mécène va être le roi et sa Maison, on a aussi un artiste « subventionné ». La poésie est un métier comme la bonneterie (métier de son père) sauf qu’il faut vendre les bonnets au plus haut niveau…

L’intérêt pour les œuvres de Marot est plutôt une affaire de spécialiste. En revanche, dès que l’on s’intéresse à l’homme, on est accroché. Peu d’écrivains quasi inconnus du grand public méritent autant d’être dévoilés, tant sa vie (pourtant courte) est riche d’aventures et témoigne de la vitalité qu’il fallait déployer dans cette société complexe et agitée de l’époque de François Ier. Jouer des coudes, être mobile, cultiver l’entregent, travailler dur: on n’est pas loin du jeune loup contemporain qui veut faire fortune et s’élever dans la société..

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EXTRAIT DU VERBAL FAIT PAR ADAM PHILIPPON, INGÉNIEUR ORDINAIRE DU ROI,
TOUCHANT LA NAVIGATION DE LA RIVIÈRE D’OLT – 1649

Manifestement, ce document serait un inédit. En tout cas, sauf oubli, nous n’en avons pas vu mention dans les sources des ouvrages consacrés à la rivière. C’est à l’occasion d’une de nos sessions de paléographie de l’Arhfa que Philippe Deladerrière a proposé de s’intéresser à ce document trouvé par lui dans le fonds Greil de la bibliothèque municipale. Nous en donnons ici une transcription en français contemporain en essayant toutefois de respecter la pagination et l’essentiel de la forme de l’original.

Le document, une « descente » du Lot de Cahors à Villeneuve-sur-Lot, appelle quelques commentaires. En premier lieu, il faut noter qu’il est particulièrement précieux car antérieur aux grands travaux entrepris quelques années plus tard sous Colbert, en particulier à la construction des premières écluses.
La rivière est donc décrite dans son état médiéval, jalonnée, outre les obstacles naturels (îles, gravières, rocs et rochers affleurant), de vingt-cinq digues de moulins, appelées localement paissières, mot venu de l’occitan et correspondant à l’ancien français « passelis ». Au XVIIe siècle et après on utilisera plutôt le terme français « chaussée » ou même « digue ». On doit relever les extrêmes difficultés de la navigation et en déduire logiquement l’atonie du commerce fluvial préjudiciable au transport de marchandises, principalement celui de nos vins. Mais le document aborde aussi les aménagements à réaliser: réduction des îles ou gravières lorsque cela est possible, destruction des rocs et, surtout, réalisation d’un « chemin de corde », c’est-à-dire un chemin de halage.

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DU LABOUR À LA HAUTE MER
LE CAPITAINE DE VAISSEAU JOSEPH BONAFOUS-MURAT (1788-1864)

Étonnante destinée que celle de cet enfant du Quercy, neveu d’un maréchal d’Empire, roi de Naples. Si la fortune lui sourit à son entrée dans la carrière, les évènements politiques la transforment brutalement en infortune, comme pour des centaines d’officiers de marine. Après un long retour à la terre, il retrouve les embruns durant dix-huit ans avant de se dévouer à ses concitoyens, loin de la houle, dans son village de campagne.

Joseph Bonafous est né le 2 mars 1788 à Montgesty, un petit village du Lot. Sa mère, Antoinette Murat, était l’aînée d’une fratrie de onze enfants nés de l’union entre Pierre Murat-Jordy, aubergiste à Labastide-Fortanière, et Jeanne Loubières. Mariée à 15 ans avec un laboureur de 62 ans, veuve sans enfant à 23 ans, Antoinette épouse en secondes noces, en 1784, Jean Bonafous, 27 ans, laboureur à Crabillé, hameau proche de Montgesty. Quatre enfants vont naître du couple : Pierre (1786), Joseph (1788), Rosalie (1789) et Eugène (1792).

L’ascension fulgurante du cadet des Murat, Joachim, va totalement bouleverser l’avenir de la famille Bonafous. Par le mariage de Joachim avec Caroline Bonaparte, Antoinette, petite paysanne qui ne sait ni lire ni écrire, devient bellesœur par alliance de l’Empereur. Joachim prend en charge l’éducation de ses neveux. Le plus âgé, Pierre, entrera à l’école de cavalerie de Saint-Germain.
Il participera à toutes les campagnes napoléoniennes et sera promu général en 1812. En 1804, les deux plus jeunes frères, Joseph ,14 ans, et Eugène, 12 ans,sont envoyés dans une maison d’éducation à Saint-Germain. Joseph s’y lie d’amitié avec Armand de Mackau et Louis Pujol, tous deux également futurs officiers de marine. Rosalie épouse, en 1804, Jean Lafon, futur préfet du Tarn et député du Lot. Eugène rejoint la cavalerie et sera colonel en 1815.

NOTE DE LECTURE 

Frédéric Empaytaz. Dernier préfet du Lot nommé par le gouvernement de Vichy (mars-août 1944),
Édicausse, 2024, 235 p

Le Livre de famille de Frédéric Empaytaz nous offre le récit des six mois de sa préfecture dans le Lot. Trente ans après les faits, le préfet écrit dans un évident souci d’autojustification, toujours meurtri de n’avoir pas été réintégré dans la préfectorale après la Libération. Le but de ces quelques lignes est d’éclairer ce texte, de le confronter avec les acquis de l’histoire et avec d’autres témoignages.
Jusqu’ici on le connaît très peu: c’est le préfet, le préfet de Vichy. L’historiographie de la période lui accorde quelques mots: signes de son effacement, de son impuissance ? Pourquoi pas ?

Deux faits ont pesé sur ses débuts. D’abord sa réception en présence de tous les services du département par son prédécesseur, Loïc Petit, qui s’était distingué pendant trois ans par son zèle à appliquer les directives de Vichy, son mépris des notables et sa répression contre les ennemis du régime. Son successeur, très attendu, allait-il suivre le même chemin ? En second lieu on retiendra sa convocation officielle dans un Vichy bien morne où il fut reçu par le Maréchal et Pierre Laval, le 16 mars 1944. Respect et admiration pour l’un et compréhension pour l’autre.
À Cahors, il put s’appuyer sur une équipe assez disparate : un secrétaire général loyal et compétent, Jean Bourrut-Lacouture, un chef de cabinet nommé par Vichy, Michel Borra, œil du ministère sur le préfet. Il pouvait compter sur son sous-préfet de Gourdon, Jacques Bruneau, bien moins sur celui de Figeac, Jacques Alibert, fils d’un ancien garde des Sceaux de Vichy, isolé et dépassé. Précieux, M. Gay, directeur des services agricoles, fin connaisseur de la société rurale lotoise, Roger Heim, commissaire aux renseignements généraux qui parcourait le Lot avec sa Simca 5 pour prévenir les maquis d’une attaque de la Gestapo !

S’il a très vite rompu avec la politique de son prédécesseur en libérant les « internés administratifs » et en renouant avec les anciens parlementaires et notables du précédent régime, il se trouva aussi confronté à la réalité de la violence et à son incapacité à la contrôler. Avec Pierre Laborie on distingue une première phase de mars à mai 1944. Elle est marquée par une intense activité des maquis qui arrivent à tenir des zones entières. Les affrontements avec les Allemands sont exceptionnels tandis que se multiplient les actions contre les miliciens, les collaborateurs actifs..

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Préhistoire, feux et charbons de bois

Conférence de Jean-Louis Vernet
Professeur des Universités e.r

Notre président d’honneur et éminent préhistorien, Michel Lorblanchet, s’était fait l’intermédiaire pour nous amener un chercheur de talent, Jean-Louis Vernet, spécialiste de la forêt et des charbons de bois avec qui il avait eu, il y a des années, une collaboration fructueuse concernant la datation de la frise des chevaux de la grotte de Pech Merle. La date du 15 juin ayant été fixée nous nous sommes retrouvés en nombre à la salle des Congrès à Cahors pour assister à cet évènement suivi d’un échange soutenu avec le public. Nous vous présentons ici le résumé rédigé par l’auteur que nous remercions beaucoup de sa disponibilité.

La forêt méditerranéenne est la fille du feu de par sa composition en essences sclérophylles inflammables (pin, lentisque, etc.) et sa structuration pluristratifiée. Jusqu’au milieu du XXe siècle le feu était considéré comme une perturbation destructrice. Depuis la dernière partie du XXe siècle, on a pris conscience du rôle positif du feu sur la minéralisation de la matière organique en régions semi-arides et sèches. L’incendie est considéré aujourd’hui comme un élément fondamental de la structuration de l’écosystème méditerranéen. Le problème est qu’il interfère avec l’homme : 92 à 98 % des feux sont d’origine humaine, contre seulement 5 % pour la foudre, les négligences et malveillances en sont les causes premières. Il n’existe pas de corrélation entre les aléas météo (sécheresse, vents) et la fréquence des feux, ce sont des facteurs qui aggravent leurs effets.Le feu est partie prenante des écosystèmes naturels depuis le Dévonien.

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